Avant la Toussaint, hommage à Alain de Mijolla
ALAIN
DE MIJOLLA, « IL N’Y
A PAS DE MAÎTRE ICI ! »
Catherine
Grangeard
ERES
| « Cliniques méditerranéennes »
2019/2
n° 100 | pages 289 à
292
ISSN
0762-7491
ISBN
9782749265193
Article
disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.inforevue-cliniques-mediterraneennes-2019-2-page-289.htm
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ERES.
Je
vous propose quelques extraits de mon hommage à Alain de Mijolla disparu en janvier. La revue vient de paraitre
en octobre.
«
Je ne vais pas reprendre la fiche Wikipedia « Alain de Mijolla » et présenter
la
biographie, les publications ni même son apport à la psychanalyse.
D’autres
le font mieux que moi.
Sortir
de la répétition, c’est la moindre des choses pour les psychanalystes.
C’est
donc un autre témoignage que je vous invite à lire, celui d’une
relation
singulière commencée par une supervision.
Quelque
chose de plus ou moins classique puisque Alain de Mijolla
était
à la spp et
moi à Espace analytique (ea).
Il a évidemment structuré une
approche
plus freudienne que celle que je pouvais avoir acquise lors de ma
propre
analyse, avec un membre lacanien d’ea, mais surtout il a déterminé
un
passage à la transmission. Il a encouragé un désir d’écriture que je ne
m’autorisais
absolument pas. Le théoricien Alain de Mijolla insista tant et tant
que
la psychanalyste – si peu versée dans la métapsychologie que je suis –
a
osé en 2007 publier un premier livre Obésités,
le poids des mots, les maux
du poids (Calmann-Lévy) dont
il a même écrit la préface. C’est dire !
Pour
la deuxième édition du Dictionnaire
international de la psychanalyse,
Alain
de Mijolla m’a demandé deux articles, l’un sur Xavier Audouard et
l’autre
pour introduire l’obésité comme item.
Pour une psychanalyse de l’alcoolisme, publié en 1973, est une base initiale à
mon
travail sur l’obésité. Le superviseur ne visait pas la reproduction. Quelle
qualité
extraordinaire que celle de s’autoriser à faire avancer une plus jeune
psychanalyste
sans lui demander de se formater !
Nous
avons conservé jusqu’au lit de mort des discussions empreintes
d’amitié
réciproque, de plaisanteries sur nos travers.
…..
Je
lui donnais d’ailleurs toujours en riant ce titre « Cher Maître » qu’il
acceptait
en souriant. Sauf, à la dernière visite, quelques jours avant son décès
où
il m’a répondu « il n’y a pas de Maître ici ». Ce fut l’occasion d’échanger,
et
pour la dernière fois, avec cet humour qui le caractérisait. Ce n’était pas
une
posture. Ce trait de personnalité est tout aussi important que sa liberté
de
penser.
Pour
lui rendre hommage lors des obsèques, j’ai insisté sur cette dernière
rencontre
bien plus que sur la première, tant elle a été, et j’en suis absolument
certaine,
pour lui comme pour moi, un condensé de notre plaisir à nous être
rencontrés
dans la vie. Une vraie rencontre, pas uniquement se croiser…
….
Alain
de Mijolla montrait concrètement que fuir les dogmes, l’imitation,
le
faux-semblant était la seule voie qui vaille pour exister par rapport à soi-même
et
non pour une accréditation auprès des pairs.
«
La psychanalyse n’existe pas. Il y a des psychanalystes » ne cessait-il
de
répéter…
….
Au-delà
de nos différences, ce qui compte, c’est ce qui nous rassemble.
Citons
enfin quelques phrases retranscrites d’Alain de Mijolla, extraites
de
Vieillir… des psychanalystes parlent (érès). C’est un recueil d’entretiens
réalisés
en 2009. Le sous-titre de ce livre Un
désir qui dure, Ô combien approprié
à
Alain de Mijolla, où dix-neuf psychanalystes ont rencontré Dominique
Platier-Zeitoun
et José Polard et où de belles photos des interviewés les
rendent
encore plus présents.
«
Ce qui caractérise vraiment notre métier, c’est qu’on ne pense jamais tout
seul, on est toujours en concordance, en réponse, voire en refus. C’est
toujours avec l’autre que ça se passe. » ;
«
Les patients sont des gens qu’on rencontre comme les autres finalement.
Il
y a des tas de choses que je ne me serais pas autorisé avant. J’avais quand
même
plus de retenue. » ;
«
Aujourd’hui l’âge n’est plus le même. Les 50 ans de Freud, c’est les 70 ans de
maintenant. On ne peut pas le nier. Pour les femmes, c’est la même chose. 30
ans pour une femme, chez Balzac, c’était le
grand
âge. C’est aujourd’hui son plus bel âge. Il faut bien comprendre que les interdits
et les propos sur les femmes ont été formulés par un homme, Freud, dans un
temps et un contexte précis. » ;
«
J’étais libre de mes opinions, même si elles n’étaient pas toutes orthodoxes !
»
Jeudi
17 janvier 2019 à l’unité de soins palliatifs, ce moment merveilleux
d’ultime
rencontre nous a permis de parler de l’essentiel de l’existence : ne
jamais
oublier de dire qu’on les aime aux gens qu’on aime, quand on les aime.
Alain
de Mijolla savait tout autant écouter que parler, écrire, transmettre.
Cette
leçon dépassait la supervision, je l’en remercie encore une fois !
Avant la Toussaint, hommage à Alain de Mijolla
Reviewed by grangeard
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octobre 20, 2019
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