Le corps est politique
À double tranchant : les limites du body positive
Un excellent article de dimanche d'élections... mais sait-on que le corps est politique ?
Je remercie la journaliste pour son excellent article !
CG.
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L'épreuve commence déjà devant le miroir pour certaines, car les femmes sont les premières à se juger : 48 % des plus de 40 ans et 52 % des 30-39 ans admettent porter un regard «plutôt sévère et exigeant» sur elles-mêmes (1).
En France, deux femmes sur trois confient être complexées par leur corps (2). Pire encore, pour 79 % d'entre elles, les réseaux sociaux accentuent ce mal-être. «Remettre en question des normes uniques et totalitaires bouscule forcément les codes et aide à réduire la pression exercée par les diktats de beauté. Mais je ne crois pas que ce soit une révolution pour l'instant», estime Catherine Grangeard, psychosociologue, psychologue et psychothérapeute. «Certes, afficher ses particularités physiques sur la scène publique est un progrès. C'est une perspective enrichissante, qui peut nous libérer et nous permettre de nous défocaliser, mais cela reste une exception. Des injonctions profondément ancrées persistent encore, comme celle de la minceur, et il demeure une certaine grossophobie dans la société», constate-t-elle.
De «vraies femmes»
À l'heure où la vision idéalisée des corps est priée d'être diversifiée, les grands acteurs de l'industrie de la beauté s'alignent.
(...)
«L'idée originelle du body positive est galvaudée. Ce n'est pas qu'une simple focalisation sur l'exposition libre du corps, quel qu'il soit, affirme Alexandra Fleurisson, blogueuse mode bordelaise qui se réclame du mouvement. On ne peut pas imposer aux gens de se trouver beau ou belle, qu'ils fassent une taille 34 ou un 54.» Un nouvel ordre qui risquerait de créer l'effet inverse : «On ne se résume pas à une image. Si vous voyez des photos de femmes qui s'assument et qui paradent en maillot de bain alors que vous n'êtes pas capable de faire de même, cela ne peut que vous déprimer encore plus. On ne peut pas demander au body positivisme de tout résoudre, insiste Catherine Grangeard. Il faut tout un trajet de vie pour être bien dans sa peau, ce n'est pas à portée de main. Toute cette psychologie positive, ce développement personnel peut vous faire croire que vous êtes une ratée. C'est une nouvelle injonction insupportable."
Pour Gaëlle Prudencio comme pour Alexandra Fleurisson, le chemin vers l'estime de soi a duré des années, et le mouvement body positive à lui seul n'a pas suffi. «Les problèmes d'insatisfaction corporelle commencent souvent dans l'enfance. Ce n'est pas simplement en voyant des images de gens gros que ça va changer quelque chose, c'est beaucoup plus profond que ça. C'est un parcours individuel d'acceptation», rappelle Sylvie Benkemoun. «Pourquoi devrait-on aimer son corps ? Il y a des leaders d'opinion qui prônent cela, mais tout le monde n'aspire pas à cette rébellion. On peut trouver quelqu'un très beau mais ne pas se supporter soi-même. D'ailleurs, le mouvement à la base ne proclamait pas que les femmes grosses étaient toutes belles, mais qu'elles peuvent l'être, c'est différent.» Et de conclure : «Il n'est pas question d'être content de son corps, mais de faire avec, et peut-être accepter qu'il puisse être aimé pour ce qu'il est.» Vers un avènement du «body neutrality» ?
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