L'étranger et le délinquant : peurs et réalité, les amalgames et la sécurité
Croisons les vues, croyons les regards.
Ce site de journalistes d'horizons divers m'a invitée à parler autour de l'association faite par le ministre Gérald Darmanin entre "étranger et délinquant" à Lyon le 20 juillet.
Aujourd’hui (30/07) de nouveau à Lyon le ministre de l’Intérieur va-t-il s’excuser et avouer s’être trompé ?
Nous pourrions l'espérer car sinon G. Darmanin ne serait pas très fiable pour d'autres affaires.
Effectivement, agresser les forces de l'ordre c'est mal.
Dans un état de droit, c'est intolérable. Pour cela les délinquants doivent être
arrêtés et punis.
Si le même
Gérald Darmanin sait avancer la présomption d'innocence dans certaines affaires
(dont celles le concernant) il n'a pas cette prudence en ce qui concerne le
soupçonné s'il est étranger.
Alors que le
racisme est un délit et non une opinion, que des lois de la République existent
et protègent quiconque quels que soient son origine, son sexe, son apparence,
etc... il serait inconvenant et dangereux qu'un haut personnage de l'Etat ne
fasse respecter l'ordre républicain. La sécurité est sa mission.
Le choix des
mots ne saurait être dû au hasard quand on en connaît leur portée. A ce niveau
de responsabilités, nous osons espérer ce minimum.
On doit être
puni quand on est délinquant. C'est la loi. On ne doit pas l'être pour être
étranger. En tant que citoyenne française je me sens humiliée par tout relent
de racisme.
La sécurité
doit être respectée pour toutes et tous, par toutes et tous.
C'est une
agression que de propager des fake news.
Si c'est une
manoeuvre politique, si le populisme gagne le ministre de l'Intérieur comment
réagir ?
Reprenons l'article publié le 29 juillet. Voici quelques éléments du dossier très fouillé des journalistes Justine Segui et Ali Bachir Mustafa (à lire en intégralité sur le site dont le lien est plus haut).
Les chiffres
sont précis :
"Selon l’institut
national de la statistique et des études économiques (Insee), il y a 5.8
millions d'étrangers «légaux» en France. En 2018, 85% des condamnés étaient
Français et 15% de nationalité étrangère, selon les données du ministère de la
justice. En 2020, 21,2% des personnes (femmes, hommes) en prison n'étaient pas
de nationalité française, selon les chiffres du ministre de la justice. Mais,
selon l'Institut convergences migrations, affilié au CNRS : « la part des
étrangers dans les condamnations [...] varie selon la nature de l’infraction :
25% pour le travail illégal, 41% pour les faux en écriture publique ou privée,
près de 50% des infractions douanières et 78 % pour les infractions relatives à
la police des étrangers, c’est-à-dire, pour l’essentiel des infractions liées à
la régularité du séjour des étrangers en France.» Il y a une différence entre
les crimes et les délits. Les deux sont catégories d’infractions qui se
distinguent par leur gravité.
99,2%
des condamnations de personnes étrangers font suite à des délits.
(...)
Virginie
Gautron, spécialiste en politique pénale et Jean-Noël Retière, sociologue,
expliquent dans l’Observatoire international de prison, que « certains facteurs
socio-démographiques ont une forte incidence sur ces variables pénales. Être né
à l’étranger ou sans domicile fixe multiplie par trois les chances d’être jugé
en comparution immédiate et par cinq d’être placé en détention provisoire ». De
la figure commode du bouc émissaire… Cette confusion entre délinquance et
immigration, les spécialistes l’analysent d’abord comme de l’électoralisme. «
Darmanin reprend mot pour mot le discours de Zemmour sur les noirs et les
arabes dans les prisons. Il sait qu’il va flatter une partie de la population
française, qui vote de plus en plus pour l'extrême droite », estime Isabelle
Kersimon, fondatrice de l'Inrees (Institut de recherches et d'études sur les
radicalités).
(...)
Cet
électoralisme donne lieu, selon Isabelle Kersimon, à un enchevêtrement
d’amalgames. « Gérald Darmanin s’est approprié le thème de la laïcité de façon
toute particulière : quand il évoque sa crainte des rayons halals (dans les
supermarchés), quand il valide les propos antisémites de Napoléon, quand il
trouve Marine le Pen trop molle… Il est imbibé d'un nationalisme puissant,
qu’il diffuse sous couvert de laïcité », continue-t-elle. Aussi, l’étranger
sert-il de bouc émissaire. Pour Marwan Mohamed, sociologue au Centre National
de la Recherche Scientifique (CNRS), cette rhétorique permet aux personnalités
politiques « d’expliquer une situation compliquée pour pouvoir apporter une
solution qui est celle de l’exclusion. Parler de l’islam ou des immigrants
évite de parler de l’écologie, d'inégalité sociale et économique, de
défaillance de institut public ou de parler du désengagement de l'État ».
Isabelle Kersimon corrobore. En temps de crise économique et sociale, le
discours de l'extrême droite cherche « à trouver des responsables et à
stigmatiser des groupes. Ainsi, les étrangers seraient des délinquants alors
que le peuple français, blanc et « de souche » serait par nature vierge de
toute propension à exercer la violence ». (…)
Ce qui a des
conséquences sur l’intégration et la santé mentale.
Psychanalyste
et psychologue, Catherine Grangeard explique combien cette médiatisation
négative des personnes étrangères provoque un sentiment d’ « humiliation » chez
ces dernières. Face à ce sentiment d’injustice, « soit on réagit avec la tête
soit on réagit avec les poings », précise-t-elle. Elle explique aussi que « le
choix d'associer étranger et délinquant dans la bouche du ministre de
l'intérieur va renforcer une peur innée par association ». L’amalgame entre «
étranger » et « délinquant » a un double effet sur la population française,
mais aussi sur les étrangers vivant en France."
(...)
Je vous
propose vraiment de lire l'intégralité de ce dossier sur le site. Des tableaux
sont explicites.
C'est très
important de savoir de quoi on parle pour ne pas se laisser embarquer
dans une Histoire indigne.
Comme les journalistes l'écrivent, tout
petit enfant a besoin de repères, il préfère le familier et craint l'étranger avant de grandir.... Nous
sommes des adultes, voyons !
Le besoin de boucs émissaires est récurrent car attribuer les fautes à d'autres renforce le groupe. Comme il se dit aussi : si tu veux noyer ton chien, dis qu'il a la rage...
Définir le bien et le mal rassure également. La complexité est pourtant la
réalité !
L'affrontement
naît d'un sentiment d'injustice. Les amalgames sont pernicieux. Il faut le
répéter pour que les associations d'idées soient perçues pour ce qu'elles sont
et qu'un sentiment d'insécurité ne vienne alimenter l'angoisse actuelle si présente et si pesante.
Ce sujet est
tellement d’actualité qu’il exige réflexion...
Bonne lecture.
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